Métropole du Grand Paris : les inégalités se creusent

Pour l’une de ses dernières notes, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) a mesuré les inégalités de revenus au sein de la Métropole du Grand Paris entre 2001 et 2016. On y apprend que 56 % des villes ont suivi des trajectoires de revenus qui s’écartent du revenu médian de la métropole, dans le bon comme dans le mauvais sens. Autrement dit, les villes les plus pauvres sont devenues encore plus pauvres tandis que les villes les plus riches se sont enrichies.

Si Paris n’est pas l’une des capitales les plus inégalitaires des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), elle est en France la métropole qui rassemble tous les extrêmes. Son revenu médian est certes globalement plus élevé que le revenu médian français (1 934 euros par unité de consommation par mois contre 1 734 euros pour la France entière), mais les plus riches y sont plus riches et les plus pauvres plus pauvres.

A titre d’illustration, on fait partie des 10 % les plus riches de France dès lors que son revenu par UC dépasse les 3 479 euros par mois, alors qu’il faut toucher au minimum 4 868 euros par mois pour faire partie des 10 % les plus riches de Paris et sa métropole. A l’inverse, on fait partie des 10 % les plus pauvres de France dès que l’on touche moins de 601 euros par UC par mois contre 505 euros pour la capitale. Paris rassemble donc, plus que partout ailleurs en France, des très pauvres et des très riches.

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Malgré les bonnes volontés politiques en matière de mixité sociale et la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) de 2000, qui impose un quota de logements sociaux dans le parc résidentiel, les inégalités entre les territoires de l’Est et de l’Ouest de la métropole persistent. A l’échelle des établissements publics territoriaux (EPT), Paris Est Marne et Bois fait figure d’exception avec des trajectoires de revenus qui convergent globalement vers la médiane. Pour le reste, non seulement ces inégalités persistent, mais en plus elles s'accroissent.

A l’échelle des quartiers, c’est pire : pour la période 2001-2016, 63 % des IRIS (îlots regroupés pour l'information statistique) de 2 000 habitants sont concernés par une accentuation des inégalités. Avant 2008, ce phénomène était dû à une accélération des revenus plus forte chez les riches que chez les pauvres. Après 2008, cette trajectoire inégalitaire reflète une dégradation des revenus des plus pauvres, particulièrement touchés par la crise économique. 

Les villes plus favorisées, elles, sont portées par une classe moyenne supérieure dynamique. Enfin, seuls 13 % des IRIS pauvres (déciles Q1 et Q2), situés notamment à Saint-Ouen, Clichy, Pantin ou Saint-Denis, ont vu leur trajectoire de revenus converger vers la médiane, grâce à d’importants aménagements immobiliers et des prix maîtrisés (malgré leur proximité avec Paris), ce qui a attiré des classes moyennes. On mesure donc, à toutes les échelles, l'ampleur de la polarisation spatiale entre les populations aisées et les catégories populaires au sein de la métropole.

Des inégalités historiques

Ces inégalités entre l’Ouest et l’Est parisien sont anciennes. C’est un vestige de l’époque industrielle, lorsque les vents venus de l’Ouest poussaient les fumées produites par les usines vers l’Est de la capitale. Les plus riches se sont donc naturellement orientés vers les zones les moins polluées, laissant les usines et les travailleurs se concentrer dans la partie Est. 

Par la suite, les politiques urbaines de grands ensembles portées dans les années 60 et 70 dans les villes de banlieue ont prolongé ce processus de ségrégation, les communes du Nord et de l’Est accueillant la majeure partie des populations pauvres et immigrées venues s’installer dans le territoire qui forme aujourd’hui le Grand Paris. Enfin, le marché de l’immobilier parachève ce processus en pratiquant des prix prohibitifs dans Paris intra muros et sa banlieue Ouest, ce qui contraint les ménages les plus modestes à se concentrer dans des villes plus abordables.

© APUR

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Mathieu Galliot